Rivardo Niyonizigiye

La culture Burundaise : respectée puis oubliée

La culture  burundaise est respectée par les burundais eux-mêmes ainsi que le monde entier. Pourtant, sa tradition orale ne la permet pas de faire face aux autres cultures qui sont riches grâce à leur forme écrite très ancienne. C’est pour cette raison que la culture burundaise tend à être petit à petit oubliée malgré la sueur de la jeunesse traditionaliste qui ne cesse de combattre au quotidien pour réhabiliter cette richesse identitaire.

La culture Burundaise est riche. Ce qui est transmis dans les poésies (ibicuba et amazina)et dans la prose (ibitito, imigani) est vraiment la fondation d’une société harmonieuse, pacifique et laborieuse.  Sa principale caractéristique, richesse même de cette culture est sa diversité. Les régions traditionnelles du Burundi comptent des variétés culturelles égales à leur nombre : les différentes formes de danses se trouvant au Burundi se distinguent suivant ces régions. Ensuite, la classification des pratiques culturelle selon le genre de leurs pratiquants la rend riche. Depuis la tradition, il y avait des pratiques culturelles propres aux femmes et les autres propres aux hommes. Cela n’étant pas objet d’inégalité mais de diversité enrichissante.

Les burundais en sont fiers

Plus d’un burundais te répondra que sa culture est la meilleure du monde. Comme pour tout autre partisan d’une culture, ils sont fiers de leur culture. Ils aiment la danse, le chant, l’inanga (cithare) et autres formes poétiques que couvre cette culture. En plus, les morales véhiculées dans les ibititos et les contes restent l’obsession de tout Burundais.

Le patrimoine culturel tant matériel qu’immatériel reste la fierté du Burundi. Au monde entier, le tambour burundais garde le renom. Son entrée dans le patrimoine mondial immatériel de l’Unesco n’a pas été une surprise. Même les autres pratiques culturelles sont respectées par ceux qui les rencontrent ; surtout la danse et l’habillement.

Riche en valeurs, pauvre en pérennité

Les Burundais se sont mis à chanter les mérites de leur culture et ont oublié de la préserver. Ils n’ont pas compris qu’une culture est comme du thé qui mérite un entretien au quotidien. Elle mérite d’être sarclé, biné et drainé. Avec la colonisation, l’oralité qui est la tradition même de la culture Burundaise a favorisé la prolifération de la culture européenne au détriment de la culture Burundaise. L’élite formée par le colon n’a pas réussi à garder sa culture ou, au moins, à comprendre la nouvelle venue en se servant des lunettes de l’ancienne.

Cela a beaucoup contribué à son recul. Sauf la sculpture, la vannerie et l’architecture qui peut rester pendant des années, les autres formes doivent être oubliées parce que la mémorisation n’est pas rassurante. Si les Burundais n’ont pas la tradition d’écrire, la culture devait en souffrir parce que ses aspects sont éphémères. En plus, les créations littéraires à la burundaise sont rares et cela entraine l’oublie et la disparition de la culture.

L’espoir qu’a cette culture reste la jeunesse conservatrice qui s’organise chaque fois pour former des clubs culturels à caractère traditionaliste pour créer des spectacles et des chansons traditionnelles. Les troupes modernistes ne pouvant s’inspirer que des cultures occidentales, ces groupes traditionalistes, quant à eux, essaient de marier les deux cultures et former une forme hybride entre l’occidentale et la burundaise.


La Nature Pacifiste des Burundais

Malgré les crises et conflits répétitifs qu’a connus le Burundi, c’est un pays aux bons habitants. Ses enfants ont une culture vraiment calme et agréable. Chez eux, la paix n’est pas seulement dans la salutation « Amahoro»; elle est aussi dans leur vie, dans leur manière de penser et surtout dans leur manière d’agir.

C’est une histoire d’un petit garçon qui me poussa à conclure : les Burundais sont pacifistes naturellement. Il se peut que ce sont tous les africains ou tous les hommes du monde qui sont de cette nature, mais, avant de parler de l’Amazonie ou du Groenland, laisse moi parler de là où je suis né ; une place que je maitrise très bien.

C’était dans une matinée d’un certain dimanche. Je venais de la messe de la matinée, celle qui commence 6 heures du matin à la paroisse Saint Sauveur. Dans la ruelle qui mène au quartier, un groupe de petits enfants s’attroupe. Près d’eux, il y a ballon, signe qu’ils jouaient ou qu’ils allaient jouer au foot.  C’est leur habitude. Ils jouent dans cette ruelle presque tout le temps.

Quelque chose semble anormale. Je m’approche d’eux pour savoir de quoi il s’agit. Dans le cercle, un petit garçon s’allonge par terre. Son pied gauche saigne. Merde ! Il faut le dépêcher au centre de santé. Je me mets à chercher un taxi. Un garçon me suit en courant et me dit : « Monsieur, laisse tomber ! Il ne le veut pas ». « Quoi ? Il ne le veut pas ? », demandai-je. Je ne croyais pas mes oreilles. Je m’approchai de lui pour comprendre pourquoi il ne veut pas être soigné alors qu’il souffre.

« Monsieur, si ma mère apprend que c’est ce garçon qui m’a blessé, il va le tuer. J’ai peur que cela augmenterait les tensions entre nos deux familles qui ne s’entendaient même pas. Je dois me taire. », expliqua-t-il.

Personne ne peut penser qu’à cet âge, le petit garçon pourrait penser à préserver la paix à tel point.  Il estimait que tout ce qui pourrait créer des malentendus entre les familles était à écarter.  Je me suis arrangé pour que l’enfant soit soigné, mais toute la journée, son comportement me tournait dans la tête.

Tout commence dans la salutation

Quand deux burundais se rencontrent, ils se saluent par «  Amahoro » (Paix). Ce mot qui va au-delà du simple souhait se trouve dans les croyances du burundais.  Il a une grande influence dans leur manière d’agir comme la réaction du petit garçon.  La simple salutation s’infiltre dans la vie et presque tout burundais a un réflexe pacifiste. Dans les quartiers, dans les campagnes et dans la rue, les burundais ne sont pas agressifs.  En tout cas, il est très facile de distinguer une communauté burundaise d’une communauté swahilie.  L’histoire du petit garçon semble banale. Pourtant, elle témoigne une force, une philosophie et une vie sur laquelle se fonde la société burundaise.


Buja Sans Tabou : pas une déculturation

Récemment, au mois de Mars, un festival international du théâtre intitulé « Buja sans tabou » se déroulait à Bujumbura. Des opinions divergent autour de l’appellation de ce Festival et du menu présenté lors de ce festival qui a réunis pas mal de pays africains. Les uns disent qu’il s’agit d’une dévalorisation de la culture Burundaise quand les autres disent qu’il s’agit d’une vulgarité qui animait quelques participants à ce festival.

Ceux qui le disent ont vraiment raison. Cette appellation est provocante surtout dans ce pays qui connait les tabous depuis une éternité. Il est très difficile de dire que dans un festival ainsi intitulé, on peut trouver des choses vraiment courtoises. On s’attend à des mots lourds, difficiles à avaler, sans pudeur, un langage moins sérieux ; tout ce que personne n’oserait dire ou faire dans la société. Chose pire, le premier spectacle qui a ouvert le festival a failli casser les cœurs et les oreilles de plus d’un participant.

Pourtant, à mon avis, celui qui a créé ce nom est vraiment stratégique. Il a trié une appellation qui ne peut pas passer inaperçue. Une appellation qui suscite des interrogations. Il a même ajouté « un festival où on l’ouvre », donc, où on ouvre la bouche pour parler. Parler de quoi : des bêtises, des bonnes nouvelles et surtout de la vérité. Celui qui entend parler de ce festival ne managera aucun effort pour y être et découvrir ce qui va sortir cette bouche qu’on ouvre vraiment.

Ses liens avec les lieux, la coïncidence avec l’actualité

Le festival s’est déroulé à Bujumbura, ville qui vient de passer près de dix mois sous le chaos. C’est dans ce milieu où, dans ces derniers temps, il n’y avait plus de tabous : on tuait, on pillait, on violait les femmes, on arrêtait les jeunes et on torturait des gens. On lançait des injures ici et là. On insultait les personnalités dans les rues. Un signe qu’il n’y avait plus de tabous. Donc, ce festival est une définition première à ce que c’est la ville de Buja ces derniers temps. L’appellation suggère l’actualité et des réalités du moment.

Un cadre de révolte et de pétition

Quand est-ce qu’on brise les tabous ? C’est quand on a marre de quelque chose ; quand on ne supporte pas ce qui se fait autour de soi. Quand un tabou se présente comme objet de discriminations, il faut le briser. Ceci signifie qu’on se révolte, qu’on se lève contre le mal qui se cache derrière ce tabou. Ainsi, Buja sans Tabou était un message des artistes Burundais et Africains à l’endroit des acteurs de la crise Burundaise. C’était une occasion de dire non à toute discrimination ou tout crime dans cette belle ville Burundaise. C’était une pétition pour un abandon de violence et une prévention du pire dans cette ville et dans tout le pays.