Rivardo Niyonizigiye

Putain de musique, quitte nos ménages !

Dans la région des grands lacs africains, une musique nous revient toujours. Elle venue en 1959, 1965, 1972, 1988, 1993, 1994,…sans interruption,  comme le moustique de la nuit. Cette musique indansable jouée récemment à Kamanyola et à Bukavu. Le peuple en a marre. Elle devrait disparaître comme le dit ce poème.

Toi,

Cesse !

On a plus besoin de toi

Je crache sur ton visage jamais sage

Je t’insulte, je te condamne à mort aussi

Je te massacre.

Je ne sais plus ce que tu représentes pour nous

Tu ne peux pas être une alarme

D’autres sonnent et on vaque aux activités

Mais toi tu toques et bonjour la fuite

Toi tu sonnes et on quitte la ville

Toi tu sonnes et on sort des bureaux

Pour aller quémander asile

Chez nos anciens ennemis

Chez nos belles familles…

Chez les Inkende, les innocents chimpanzés

Et les bonobos, et les crocodiles

Chez nos anciens lieux d’aisances parfois.

Toi,

Quitte nos ménages !

Quitte nos arénas !

Quitte notre région des mille et un rêve !

Quitte nos cœurs, quitte notre sang !

Tu ne peux pas être un divertissement

D’autres rythmes retentissent et on part s’égaler

Se balancer…

Fille-homme-Homme-femme, c’est la fête

Des mix de la Rumba, Umuyebe et Umuhamirizo

Des rythmes de joie, des rythmes de vie

Mais toi,

Tu arrives et on se cache

Tu arrives et les enfants pleurent

Tu arrives et les veuves et les orphelins se comptent en milliers

Tu arrives et les corbeaux campent dans nos ménages

Tu arrives et les familles se divorcent

Comme c’est difficile de marier la vie et la mort

Tu n’es pas la bande dont on savoure

Tu n’es pas le morceau adéquat.

 

Quand on clique sur « play », un corps s’allonge

Une vie baise la terre

Dans une forêt quelque part

Dans la rue, dans la rivière

Ou sur une montagne

Quand on clique sur « pause »

C’est pour le deuil, l’enterrement indigne

C’est pour le ravitaillement

En attendant que tu reviennes…

 

Regarde combien tu es insolent

Tu reprends de l’autre côté du Lac

Tu reviens emporter d’autres vies innocentes

On n’avait pas fini le deuil des nôtres

Et tu nous reviens au galop.

 

On t’a joué à Kamanyola

Et le spectacle était comme il a été

On t’a joué dans d’autres coins et on t’a trouvé remplaçable.

Va !

Effaces-toi des mémoires de nos hommes et femmes

Disparais de nos actes et de nos rêves

Tombe dans l’eau et dissous-toi

Tombe dans le feu et fonds-toi

Vole et disparais dans le vent pour toujours

Et quitte notre maison bénie.

Calmes-toi un peu !

Écoute !

Écoute ces cris des hommes et femmes que tu as emportés

Écoute ces pleurs des maisons que tu as brûlées

Écoute ces ricanements des marais qui regorgent des corps innocents

Écoute ces bourdonnements des réfugiés que tu as produits

Écoute ces meuglements des familles que tu as affamés

Écoute cette mélancolie des cimetières qui se peuplent du jour au jour.

 

J’ai une amertume contre cette putain de DJ

Qui te met sans cesse alors qu’on ne te veut plus

D’où il vient ou quoi il veut, je m’en fiche

Je veux qu’il cesse de jouer avec toi boulevard du désastre

Et qu’il essaie autre chose de bien :

Qu’il mette Koffi Olomide,

Qu’il mette Farious,

Qu’il mette Sogo

Qu’il mette Kidumu

Qu’il mette Kitoko

Qu’il mette Knowless

Qu’il mette Chameleone

 

Qu’il mette Diamond

Qu’il mette Kami, le père de Samandari

Qu’il mette tout sauf toi

Qu’il mette tout ce qu’il veut

Mais plus jamais toi chez nous

Plus jamais toi dans nos ménages

Plus jamais toi dans nos pâturages

Plus jamais toi dans nos murs

Plus jamais toi dans notre vie

Plus jamais toi à la RFI

Plus jamais toi à la France 24

Plus jamais toi dans nos groupes whatsapp

Plus jamais toi sur l’oiseau bleu

Plus jamais toi sur la belle fétiche de Zuckerberg

Plus jamais toi, musique indansable

Ne plus jamais toi, sale mélodie

Ne plus jamais toi, alarme de malheur

On en a tous marre de toi !

 

 

 

 


Au Burundi, la capitale en panne de carburant

Depuis une semaine, la pénurie du carburant perturbe les activités quotidiennes de Bujumbura, la capitale burundaise.  Plusieurs stations-service affichent « fermées », signe qu’elles n’ont plus de carburant à distribuer.  Les conséquences restent énormes. 

Les rendez-vous sont ratés très facilement. Les retards sont devenus normaux dans les écoles, les institutions publiques ou privées, etc. Les heures de début ou de fin du travail ont changé. Ils sont variables en fonction de la pénurie ou de l’abondance du « igitoro » (le carburant). Les matins, on vient en retard parce qu’on est passé à la station-service pour faire la queue et le soir, on rentre avant pour aller faire la queue. On peut voir quelqu’un qui se présente au boulot à 10 heures ou plus.  Personne ne peut le condamner. Il y a ceux qui peuvent passer toute une journée sans se présenter au boulot et c’est normal. On le comprend tous.

Le mot « igitoro » est le mot le plus utilisé dans la ville de Bujumbura ces derniers  temps. Dans la rue, à la maison, au boulot,… partout. Ce mot est la cause de tout retard, tout stress, toute erreur qui se produit. Désormais, la carence des bus de transport a eu sa raison d’être.

Chaque matin, des lignes de véhicules qui attendent le carburant peuvent s’étendre à des centaines de mètres à partir des stations-service. Les embouteillages se remarquent plus près des stations-service qu’au centre-ville. Le carburant est devenu de l’or.

Et la cause à tout cela ?

Quand la pénurie a commencé, on pensait qu’on allait revoir les prix à la hausse comme on a l’habitude de le faire. Cette fois-ci, elle est venue comme la grippe. Ça vient, ça repart, mais ça revient encore après deux jours ou moins.

Les explications du ministère en charge de l’Energie et Mines ne suffisent pas. Si le manque des devises en est la cause majeure, pourquoi ne pas prendre des mesures pour en augmenter la quantité ? Nous avons des experts en économie pouvant établir des plans stratégiques pour le faire. Le franc burundais (qui se dévalue du jour au jour) ne pouvant pas être directement utilisé au marché du carburant, les fournisseurs deviennent réticents à se perdre dans cette aventure de risque ; pourquoi ne pas faciliter les importations et prendre des mesures y relatifs ?

Qu’est-ce qu’on faisait avant pour avoir ces devises mais qui ne peut pas se faire aujourd’hui ? Nous avons encore le thé, le café, le cotons, autant de sources de ces devises. Que s’est-il passé ?

Nous sommes vraiment malheureux. Ce travail qui ne se fait plus selon le règlement, ce temps passé aux stations-service en attente du carburant. Le prix est lourd à payer. Certains disent que cette pénurie s’approche de ce que le Burundi a vécu en  31 juillet 1996. Le Burundi était alors parmi les pays les plus pauvres au monde; que va-t-il nous arriver après cette impasse ? Le pays sera sous la barre du classement mondial.

Le manque du carburant touche tous les secteurs de la vie : l’économie, la culture, la santé … Si cette question n’est pas traitée à temps, notre vie va devenir un enfer.


Les 10 interdits auxquelles doit faire face la femme burundaise

Le mois de mars est  dédié à la femme. Tout au long de ce mois, je vous propose une série de réflexions au tour de la femme issue de la société burundaise. Ce premier billet nous fait découvrir quelques interdits au tour de la femme dans la société burundaise archaïque.

Parler d’interdits : du n’importe quoi ! Non ! Pas du tout. C’est plutôt un signe  d’évolution de la société. Selon le mythe de Freud dans « Totem et tabou, l’interdit naquit avec un meurtre du père primitif, cannibalisé par ses fils réunis en horde : la mort du père entraînant la pratique généralisée de l’inceste et le plus grand désordre, les fils décident en commun de condamner et de s’interdire ces pratiques archaïques.

Un pas vers la société bien organisée. Dire que la société burundaise a des interdits, cela montre qu’elle a beaucoup évolué. On a appris au lycée qu’on distingue trois interdits fondamentaux : cannibalisme, inceste et meurtre. A cela s’ajoutent plusieurs autres interdits. Plus particulièrement à la femme burundaise, voici dix interdits impossible à ignorer :

  1. Tomber enceinte avant le mariage

Tomber enceinte ! Hah ! Quelle hécatombe ! Quand on parle de cet acte, c’est revenir dans les cours des Burundais « l’Ingisumanyenzi », gouffre dans le quel on jetait les filles qui tombaient enceintes avant le mariage. Un acte considéré comme une insulte pour la famille, une honte pour les parents, signe qu’elle était mal éduquée… qu’elle était à jeter, à tuer ; elle ne valait rien que l’abandon, la tombe de honte, igisumanyenzi…

Aujourd’hui, les cas de viols se sont multipliées. Quand on a des rumeurs contre la victime et sa famille, c’est que l’on vit encore au rythme de cet interdit. Les filles ne sont plus tuées physiquement, mais moralement, par les rumeurs, si.

  1. Draguer

Une fille qui drague ? C’est incroyable. Depuis longtemps, c’est un devoir pour le garçon de montrer qu’il est capable de convaincre une fille et de gagner sa main, son cœur… Si c’est la fille qui le fait, c’est une insulte aux relations amoureuses. Malgré la timidité de certains garçons et le sérieux de certaines filles, c’est le garçon qui doit proposer et non l’inverse.

Il faut noter aussi que les femmes riches risquent d’être victimes de leur avantage économique, les garçons les séduisant, pouvant le faire pour tirer profit d’elles.

  1. Siffler

Signe de masculinité, siffler est une pratique strictement réservée aux hommes dans la culture burundaise. Celle d’antan ou celle d’aujourd’hui ? Quand je vois encore autour de moi des jeunes filles qui n’osent pas siffler, si non en cachette, c’est que cette coutume tient encore. Depuis longtemps, on considère cet acte comme insolent s’il est effectué par une fille ou une femme. Le plus souvent, cela montre qu’elle a été mal éduquée, et donc, cela implique un échec pour sa famille.

  1. Sauter l’enclos dit « urugo »

Sauter la clôture signifie beaucoup de choses dans la culture burundaise. D’abord, c’est le fait de sauter ; passer au dessus de la clôture. Et là, le problème c’est qu’une fille risque de dévoiler ses parties intimes en tentant d’arriver à l’autre côté de la clôture. Ce qui est défendu. Ensuite, c’est rentrer tard la nuit quand on a déjà fermé le portail ; imyugariro ou imihongero dans le propre du Burundi.

Ce qui signifie que la fille ou la femme n’obéit plus aux ordres de la famille et de la société.  Il faut souligner que dans la société burundaise traditionnelle, chaque famille organisait une garde de l’enclos, à tour de rôle. C’était le rôle des hommes et des garçons adultes de la famille. Si quelqu’un s’approchait de l’enclos, il était tué sur place avec des lances et des gourdins. Une fille qui sauterait la clôture coulait le risque de subir le même sort. Car, le plus dangereux pour la jeune fille sont les raisons que les voisins pourraient imputé à ce saut : la débauche ? l’infidélité ? la délinquence ? l’adultère ? le job ?

  1. Parler directement à son père

Vous n’allez pas le croire. Une jeune fille doit respecter son père et le craindre aussi. C’est ce que nous dit la société. Le respect pour un parent reste une valeur à transmettre. Il faut craindre le parent, et vice versa : ne pas être trop en contact et risquer de provoquer une inceste.

Traditionnellement, si la fille avait un message important à donner à son papa, elle devait passer par la maman qui ensuite acheminait le message au papa. Le papa traitait le cas et donnait la réponse à la maman qui devait le transmettre à l’enfant. Cet ordre était respecté comme cela. Aujourd’hui, cette pratique est de moins en moins utilisée.

  1. Cracher en public

Ça c’est dégelasse ! Voir une fille (même un garçon) cracher en publique, c’est vraiment ridicule, je trouve. La femme burundaise doit conserver sa beauté du corps, d’esprit et de manières. Elle doit éviter tout ce qui risque de changer sa réputation.

Cracher, déféquer, pisser, …, de telles actes déshonorent toute personne qui le fait en public. Il est normale qu’un homme pisse ou crache dans la rue, mais la fille burundaise ne le faisait pas. Même aujourd’hui, il y en a celles qui gardent toujours ces bonnes manières.

  1. Parler en mangeant

Ça aussi ! Parler fourchette dans la bouche, n’est-ce pas une caricature de soi ? Les aliments mâchés dans la bouche ne sont pas bon à voir. Umurundikazi, dans sa dignité, ne serait jamais celle qui se noie dans cette honteuse rivière. Comme cracher en public, manger devait aussi être fait avec discipline.

  1. Prendre la parole en public quand le mari est encore en vie

Ah oui. Un interdit très révoltant. Je suis sûr qu’une femme qui lit ce point va sentir un sentiment de révolte. Elle se dit : « Mais si j’ai à dire… », ou encore «  je peut avoir un argument contraire à celui de mon époux… » etc. Chers amis, c’est comme cela qu’ont grandi nos chères mamans et grand-mères. Souvent, on pouvait donner la parole à son beau-frère ou un autre homme de la famille en présence de la femme plus concernée. « Inkokokazi ntibika isake ihari », une poule ne chante pas en présence d’un coq.

Aujourd’hui, on se bat encore pour l’abolition de cet interdit, mais il revient souvent dans quelques familles.

  1. Se marier sans paiement de la dot

Même si les burundais disent que ne pas payer la dot pour une fille équivaut à son achat, comme certains amis congolais le disent aussi d’ailleurs, la dot reste un honneur pour la famille de la jeune fille.  On réclame toujours sa disparition, mais cette pratique persiste.

Aller se marier sans paiement de la fameuse dot signifie une insolence, une désobéissance, un dénigrement de soi et de sa famille.

  1. S’asseoir jambes écartées

En fin, l’érotisme. Un aspect toujours tabou au Burundi. Tout ce qui va vers exhibitionnisme est interdit surtout pour la femme burundaise. A l’exception d’Inarunyonga, un anti-modèle de la société légendaire de la littérature orale burundaise, aucune femme ne peut oser parler des choses en rapport avec la sexualité. Écarter les jambes signifierait inviter les concubins. Un acte insolent chez la femme ou la fille burundaise.

Aujourd’hui, on peut le voir chez quelques femmes des certains centres urbains mais ça reste minime.